Justice by Michael J. Sandel

Justice by Michael J. Sandel

Auteur:Michael J. Sandel
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2016-03-30T04:00:00+00:00


Kant et la justice

Contrairement à Aristote, Bentham et Mill, Kant n’a pas écrit d’œuvre majeure de théorie politique, seulement quelques essais. Et pourtant, la conception de la moralité et de la liberté qui se dégage de ses écrits éthiques possède des implications immenses pour la justice. Si Kant n’élabore pas en détail ces implications, il est clair que la théorie politique qui a sa préférence rejette l’utilitarisme au bénéfice d’une théorie de la justice fondée sur un contrat social.

Premièrement, Kant rejette l’utilitarisme, en tant que fondement non seulement de la morale personnelle, mais aussi du droit. Telle qu’il l’envisage, une constitution juste vise à harmoniser les libertés individuelles entre elles. Elle n’a nullement pour objet de maximiser l’utilité, laquelle « ne doit donc absolument pas non plus s’immiscer » dans la détermination des droits fondamentaux. Dans la mesure où les gens, « en ce qui concerne cette fin [qu’est le bonheur], ont des idées totalement différentes », l’utilité ne peut fonder ni la justice ni les droits. Pourquoi ? Parce que faire reposer les droits sur l’utilité exigerait que la société affirme ou soutienne une conception particulière du bonheur, au détriment de toutes les autres. Établir une constitution sur une conception particulière du bonheur (celle, par exemple, de la majorité) imposerait à certains de vivre selon des valeurs qui ne sont pas les leurs ; cela reviendrait à ne pas respecter le droit de chaque personne à poursuivre ses propres fins : « Personne, écrit Kant, ne peut me contraindre à être heureux à sa manière (comme il se représente le bien-être d’un autre homme), mais chacun a le droit de chercher son bonheur suivant le chemin qui lui paraît personnellement être le bon, si seulement il ne nuit pas à la liberté d’un autre d’en faire de même »[45].

Un second trait caractérise la théorie politique de Kant : elle fait dériver la justice et les droits d’un contrat social — mais un contrat social qui présente un aspect tout à fait singulier. Les penseurs contractualistes antérieurs, comme Locke, considèrent qu’un gouvernement légitime se fonde sur un contrat social rassemblant des hommes et des femmes qui, à un moment ou à un autre, s’accordent sur les principes qui vont gouverner leur vie collective. Kant envisage le contrat différemment. Bien que le gouvernement légitime doive se fonder sur un contrat originel, ce dernier « n’a absolument pas à être nécessairement présupposé comme fait (il est d’ailleurs absolument impossible de le présupposer comme fait) ». Kant soutient que le contrat originel n’est pas effectif, mais imaginaire[46].

Pourquoi faire dériver une constitution juste d’un contrat imaginaire plutôt que réel ? Une première raison est pratique : il est souvent difficile de prouver historiquement, en scrutant le lointain passé de la nation, qu’un tel contrat a bien été conclu. Une seconde raison est philosophique : on ne peut faire dériver les principes moraux des seuls faits empiriques. De la même façon que la loi morale ne peut reposer sur les intérêts et les désirs des



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